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garçons elle était très violente et effrénée ; elle n’a jamais eu de goût pour les poupées ni pour les travaux manuels de la femme ; elle n’a appris que les plus rudimentaires (tricoter et coudre).

À l’école, elle fit de bons progrès et s’est surtout intéressée aux mathématiques et à la chimie. De très bonne heure, s’est éveillé en elle un penchant pour les beaux-arts pour lesquels elle montrait quelques aptitudes. Son but suprême était de devenir une artiste remarquable. Dans ses rêves d’avenir, elle n’a jamais pensé à une liaison conjugale. Comme artiste, elle s’intéressait aux beaux êtres humains, mais c’étaient seulement les corps de femmes qui l’attiraient ; quant aux figures d’hommes, elle ne les contemplait « qu’à distance ». Elle ne pouvait souffrir les « niaiseries des chiffons » ; il n’y a que les choses viriles qui lui plaisaient. Les rapports quotidiens avec les filles lui déplaisaient, parce que leur conversation ne roulait que sur les toilettes, les chiffons, les amourettes avec les hommes, etc., ce qui lui paraissait insipide et ennuyeux. Par contre elle avait, dès son enfance, des relations d’amitié extatique avec certaines filles ; à l’âge de dix ans, elle brûlait pour une camarade d’école et inscrivait son nom partout où elle pouvait.

Depuis elle eut de nombreuses amies auxquelles elle prodiguait des baisers « enragés ». En général, elle plaît aux filles à cause de ses manières garçonnières. Elle adresse des poésies à ses amies pour lesquelles elle serait capable de grimper sur les toits. Elle-même trouve surprenant ce fait qu’elle soit gênée devant des filles et surtout des amies. Elle ne serait pas capable de se déshabiller devant elles.

Plus elle aime une amie, plus elle est pudique en face d’elle.

À l’heure qu’il est, elle entretient une de ces liaisons d’amitié. Elle embrasse et enlace sa Laura, se promène devant ses fenêtres, souffre tous les supplices de la jalousie, surtout quand elle voit son amie s’amuser avec des messieurs. Son seul désir est de vivre toujours à côté de cette amie.

La malade raconte qu’il est vrai que, deux fois dans sa vie, des hommes auraient fait quelque impression sur elle. Elle croit que, si on avait sérieusement sollicité sa main, elle aurait conclu un mariage, car elle aime beaucoup la vie de famille et les enfants. Si un monsieur voulait la posséder, il devrait d’abord la mériter par la lutte, de même qu’elle préfère se conquérir une amie par un combat acharné. Elle trouve que la femme est plus belle et plus idéale que l’homme. Dans les cas très rares où elle eut des