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fondus avec ceux d’inversion morbide acquise, quand on ne peut pas démontrer anamnestiquement qu’ils sont primitifs et congénitaux par rapport au sens sexuel.


OBSERVATION 118. – Mme C…, trente-deux ans, femme d’un fonctionnaire, grande, pas laide, d’un extérieur tout à fait féminin, est née d’une mère névropathe et très émotive. Un frère était psychopathe et a péri par potus[ws 1]. La malade fut, de tout temps, bizarre, entêtée, renfermée, violente, coléreuse, excentrique. Ses frères et sœurs aussi sont des gens très irritables. Dans la famille, il y eut plusieurs cas de phtisie pulmonaire. À treize ans, la malade se faisait déjà remarquer par des signes d’une grande émotivité sexuelle et par un amour extatique pour une camarade de son âge. Son éducation fut très sévère ; toutefois la malade lisait clandestinement beaucoup de romans et écrivait des poésies en quantité. À l’âge de dix-huit ans, elle s’est mariée, pour échapper à la situation désagréable qu’elle avait dans la maison paternelle.

Elle dit qu’elle a toujours été indifférente aux hommes. En effet, elle évitait les bals.

Les statues de femmes lui plaisaient beaucoup. Le comble du bonheur pour elle, serait d’être mariée avec une femme aimée. Il est vrai que cela lui a toujours paru inexplicable. Elle dit qu’avant d’avoir conclu son mariage, elle n’avait pas conscience de son anomalie sexuelle. La malade s’est soumise au devoir conjugal ; elle a donné naissance à trois enfants dont deux ont souffert de convulsions ; elle vécut d’accord avec son mari qu’elle estimait, mais uniquement pour ses qualités morales. Elle évitait volontiers le coït. « J’aurais préféré avoir des rapports avec une femme. »

En 1878, la malade a fini par devenir neurasthénique. À l’occasion d’un séjour dans une station balnéaire, elle fit la connaissance d’un uraniste féminin, dont j’ai publié l’histoire dans l’Irrenfreund (1884, nº 1, observation nº 6).

La malade rentra changée dans sa famille. Le mari rapporte à ce sujet : « Elle n’était plus mon épouse, elle n’avait plus d’affection ni pour moi, ni pour ses enfants, et ne voulait plus entendre parler de rapports conjugaux. » Elle était prise d’amour ardent pour son amie ; elle n’avait plus d’idées pour autre chose. Quand son mari eut interdit la maison à la dame en question, il y eut une correspondance où l’on pouvait lire des passages

  1. ivrognerie