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me rendis pas encore compte du caractère anormal de ce penchant ; je n’en eus conscience que quand je vis et entendis comment mes camarades étaient conformés sous le rapport sexuel. À l’âge de treize ans, je commençai à me masturber. À l’âge de dix-sept ans, je quittai la maison paternelle et je fréquentai le lycée d’une grande capitale, où l’on m’avait mis en pension chez un professeur marié. J’eus plus tard des rapports sexuels avec le fils de ce professeur. C’était la première fois que j’éprouvais une satisfaction sexuelle. Ensuite, je fis la connaissance d’un jeune artiste, qui s’aperçut bientôt de mon naturel anormal et qui m’avoua que c’était aussi son cas. J’appris par lui que cette anomalie était très fréquente : cette communication anéantit l’idée qui m’affligeait beaucoup que j’étais le seul individu anormal. Ce jeune homme avait de nombreuses connaissances de son goût et il m’introduisit dans ce cercle d’amis. Là, je fus bientôt l’objet de l’attention générale, car, comme on disait, au physique je promettais beaucoup. Bientôt, je fus idolâtré par un monsieur d’un âge mûr, que je reçus pour une courte période ; puis, j’écoutai avec complaisance les propositions d’un jeune et bel officier qui était à mes pieds. À vrai dire, celui-ci était mon premier amour.

« Après avoir fait mon baccalauréat, à l’âge de dix-neuf ans, affranchi de la discipline de l’école, je fis la connaissance d’un grand nombre de gens ayant mes penchants, entre autres celle de Karl Ulrichs (Numa Numantius).

« Lorsque, plus tard, je passai à l’étude de la médecine et que j’eus des relations avec beaucoup de jeunes gens de nature normale, je me trouvai souvent dans l’obligation de céder aux invitations de mes camarades et d’aller chez des filles publiques. Après m’être couvert de honte devant plusieurs femmes, parmi lesquelles il y en avait de très belles, l’opinion se répandit parmi mes amis que j’étais impuissant. Je donnai à ce bruit de la consistance en racontant de prétendus exploits excessifs que j’avais autrefois accomplis avec des femmes. J’avais, à cette époque, de nombreuses relations au dehors. Dans les cercles, on vantait tellement ma beauté physique, que ma réputation de beauté prit une très grande extension. Ceci eut pour conséquence qu’à chaque instant un voyageur se présentait et que je recevais une telle quantité de lettres d’amour que j’en étais souvent embarrassé. Cette situation atteignit son apogée quand, plus tard, je fus logé au lazaret comme médecin faisant son volontariat d’un