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pieds par eux, d’obtenir la permission de cirer leurs bottes. Sa morgue d’aristocrate se révoltait contre cette idée. En général, ces idées de bottes lui étaient pénibles et le dégoûtaient. Les sentiments sexuels se développèrent chez lui de bonne heure et puissamment. Ils trouvèrent alors leur expression dans ces idées voluptueuses de bottes, et, à partir de la puberté, dans des rêves analogues, accompagnés de pollutions.

Du reste, le développement physique et intellectuel s’accomplissait sans troubles. Le malade apprenait avec facilité ; il termina ses études, devint officier, et, grâce à son apparence virile et distinguée, ainsi qu’à sa haute position, un personnage très bien vu dans le monde.

Il se dépeint lui-même comme un homme de bon cœur, d’une grande force de volonté, mais d’un esprit superficiel. Il affirme être un chasseur et un cavalier passionné, et ne jamais avoir eu de goût pour les occupations féminines. Dans la société des dames, il fut, comme il l’assure, toujours un peu timide ; dans les salles de bal, il s’est toujours ennuyé. Il n’a jamais eu d’intérêt pour une dame du monde. Parmi les femmes, c’étaient, seules, les paysannes robustes, comme celles qui posaient chez les peintres de Rome, qui l’intéressaient, mais jamais une émotion sensuelle, dans la vraie acception du mot, ne lui vint en présence de ces représentantes du sexe féminin. Au théâtre et au cirque, il n’avait d’yeux que pour les artistes hommes. Il n’éprouvait aucune excitation sensuelle même pour ceux-ci. Chez l’homme, ce sont surtout les bottes qui l’intéressent, et encore faut-il que le porteur de ce genre de chaussures appartienne à la classe domestique et soit un bel homme. Ses égaux, quand même ils porteraient les plus belles bottes, lui sont absolument indifférents.

Le malade n’est pas encore clairement fixé sur la nature de ses penchants sexuels, et il ne saurait pas dire si l’affection l’emporte chez lui pour l’un ou pour l’autre sexe.

À mon avis, il a eu primitivement plutôt du goût pour la femme, mais cette sympathie était, en tout cas, très faible. Il affirme avec certitude que l’adspectus viri nudi[ws 1] lui était antipathique, et celui des parties génitales viriles lui serait même répugnant. Ce n’était précisément pas le cas vis-à-vis de la femme ; mais il restait sans excitation même devant le plus beau corpus feminimum[ws 2]. Quand il était jeune officier, il était obligé d’accompagner de temps en temps ses camarades au bordel. Il s’y laissait décider volontiers, car il espérait se débarrasser, de cette façon, de ses idées.

  1. aspect de l’homme nu
  2. corps féminin