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J’ignorais que le sentiment que j’éprouvais était de l’amour sexuel, seulement je me disais qu’il était impossible que j’éprouve seul de pareilles délices. Jusqu’à l’âge de quinze ans, jamais femme ne m’avait excité ; un soir que j’étais seul avec la bonne dans ma chambre, j’éprouvai la même envie que j’avais jusqu’ici pour les garçons ; je plaisantai d’abord avec elle, et quand je vis qu’elle se laissait faire volontiers, je la couvris de baisers ; voluptatem sensi tantam quantam nunc rarissime sentio. Alter alterius os osculati sumus et post X minutas pollutio evenit[ws 1]. C’est ainsi que je me satisfaisais deux à trois fois par semaine : bientôt je nouai une liaison analogue avec une de nos cuisinières et d’autres bonnes encore. Ejuculatio semper evenit postquam X fere minutas nos osculati sumus[ws 2].

Entre temps, je pris des leçons de danse : c’est alors que, pour la première fois, je fus épris d’une demoiselle de bonne famille. Cet amour disparut bientôt ; j’aimai encore une autre jeune fille dont je n’ai jamais fait la connaissance, mais dont la vue exerçait sur moi la même force d’attraction que la vue des jeunes gens ; j’éprouvai pour elle plus que cette chaleur sensuelle que je sentais en d’autres occasions pour les filles. Mon penchant pour les filles était, à cette époque, arrivé à son point culminant : les filles me plaisaient à peu près autant que les garçons. Je satisfaisais ma sensualité, ainsi que je l’ai dit plus haut, en embrassant la bonne, ce qui provoquait toujours une pollution. C’est ainsi que je passai ma vie, de l’âge de seize ans jusqu’à dix-huit. Le départ de nos bonnes me priva de l’occasion de satisfaire mes sens. Vint alors une période de deux à trois ans, pendant laquelle j’ai dû renoncer aux jouissances sexuelles ; en général, les filles me plaisaient moins ; devenu un peu plus grand, j’eus honte de me commettre avec des servantes. Il m’était impossible de me procurer une maîtresse, car, malgré mon âge, j’étais rigoureusement surveillé par mes parents ; je ne fréquentais que peu les jeunes gens, de sorte que je n’avais que très peu d’esprit d’initiative. À mesure que le penchant pour les femmes diminuait, l’attrait pour les jeunes gens augmentait.

Comme, depuis l’âge de seize ans, j’avais beaucoup de pollutions en rêvant tantôt de femmes, tantôt d’hommes, pollutions qui m’affaiblissaient beaucoup et déprimaient complètement mon humeur, je voulus absolument essayer du coït normal.

Cependant, des scrupules et l’idée que des filles publiques ne pourraient m’exciter, m’empêchèrent, jusqu’à l’âge de vingt

  1. je ressentit un grand plaisir que j’ai rarement éprouvé depuis. Nous nous embrassâmes l’un l’autre sur la bouche et après dix minutes, j’eus une pollution
  2. L’éjaculation survenait toujours dix minutes environ après que nous ayons commencé de nous embrasser