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et j’étais très populaire parmi eux. Je fréquentais beaucoup les brasseries, j’aimais à m’amuser avec les filles de brasserie, sans cependant en être sexuellement ému. Aux yeux de mes amis et de mes professeurs, je passais pour un homme débauché, un grand coureur de femmes. Malheureusement, c’était à tort.

À l’âge de dix-neuf ans, je devins élève de l’Université. Je passai mon premier semestre à l’Université de B… J’en ai gardé jusqu’à aujourd’hui un souvenir terrible. Mes besoins sexuels se faisaient sentir avec une violence extrême ; je courais toute la nuit, surtout quand j’avais beaucoup bu, pour chercher des hommes. Heureusement je ne trouvais personne. Le lendemain d’une pareille promenade, j’étais toujours hors de moi-même. Le deuxième semestre, je me fis inscrire à l’Université de M… ; ce fut l’époque la plus heureuse de ma vie. J’avais des amis gentils ; fait curieux, je commençais à avoir du goût pour les femmes, et j’en étais bien heureux. Je nouai une liaison d’amour avec une fille jeune mais débauchée, avec laquelle je passai bien des nuits échevelées ; j’étais extraordinairement apte aux joutes amoureuses.

Après le coït je me sentais dispos et aussi bien que possible. Outre cela, moi qui avais toujours été chaste, j’avais beaucoup de relations avec des femmes. Chez la femme, ce n’était pas le corps qui me charmait, car je ne le trouvais jamais beau, mais un certain je ne sais quoi ; bref, je connaissais les femmes et leur seul contact me donnait une érection. Cette joie et cet état ne durèrent pas longtemps ; je commis la bêtise de prendre une chambre commune avec un ami. C’était un jeune homme aimable, doué de talents et redouté des femmes ; ces qualités m’avaient vivement attiré. En général, je n’aime que les hommes instruits, tandis que les hommes vigoureux mais sans éducation ne peuvent m’exciter vivement que pour un moment, sans jamais m’attacher. Bientôt je devins amoureux de mon ami. Alors arriva la période terrible qui a détraqué ma santé. Je couchais dans la même chambre que mon ami ; j’étais obligé de le voir tous les jours se déshabiller devant moi ; je dus rassembler toute mon énergie pour ne pas me trahir. J’en devins nerveux ; je pleurais facilement, j’étais jaloux de tous ceux qui causaient avec lui. Je continuais toujours à avoir des rapports avec des femmes, mais ce n’était que difficilement que je pouvais arriver à faire le coït, qui me dégoûtait ainsi que la femme.

Les mêmes femmes, qui autrefois m’excitaient le plus vivement, me laissaient froid. Je suivis mon ami à W… où il rencontra