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Du reste, je me sens toujours passif. Souvent la nuit, quand je ne puis pas dormir à cause de l’excitation, j’y arrive pourtant, si femora mea distensa habeo, sicut mulier cum viro concumbens[ws 1], ou en me couchant sur un côté ; mais alors il ne faut pas qu’un bras ou une pièce de literie vienne toucher à mes seins, sinon c’en est fait du sommeil. Il ne faut pas non plus que rien me pèse ou presse sur le ventre. Je dors mieux quand je mets une chemise de femme et une camisole de nuit de dame, ou quand je garde mes gants, car la nuit j’ai très facilement froid aux mains ; je me trouve aussi très bien en pantalons de femme et en jupes, car alors les parties génitales ne sont pas serrées. J’aime, plus que toutes les autres, les toilettes de l’époque de la crinoline. Les vêtements de femme ne gênent nullement l’homme qui se sent femme ; il les considère comme lui appartenant et ne les sent pas comme des objets étrangers. La société que je préfère à toutes, est celle d’une dame qui souffre de neurasthénie, et qui, depuis son dernier accouchement, se sent homme, mais qui, depuis que je lui ai fait des allusions à ce sujet, se résigne à son sort, coïtu abstinet[ws 2], ce qui ne m’est pas permis, à moi, homme. Cette femme m’aide, par son exemple, à supporter mon sort. Elle se rappelle encore bien clairement ses sentiments féminins, et elle m’a donné maints bons conseils. Si elle était homme et moi jeune fille, j’essaierais de faire sa conquête ; je voudrais bien qu’elle me traite en femme. Mais sa photographie récente diffère tout à fait de ses anciennes photographies : c’est maintenant un monsieur, très élégamment costumé, malgré les seins, la coiffure, etc. ; aussi a-t-elle le parler bref et précis, elle ne se plaît plus aux choses qui font ma joie. Elle a une sorte de sentimentalité mélancolique, mais elle supporte son sort avec résignation et dignité, ne trouve de consolation que dans la religion et l’accomplissement de ses devoirs ; à la période des menstrues elle souffre à en mourir ; elle n’aime plus la compagnie des femmes, ni leurs conversations, de même qu’elle n’aime plus les choses sucrées.

Un de mes amis de jeunesse se sent, depuis son enfance, comme fille ; mais il a de l’affection pour le sexe masculin ; chez sa sœur, c’était le contraire ; mais lorsque l’utérus réclama ses droits quand même et qu’elle se vit femme aimante malgré son caractère viril, elle trancha la difficulté en se suicidant.

Voici quels sont les changements principaux que j’ai constatés chez moi depuis que mon effémination est devenue complète :

1o Le sentiment continuel d’être femme des pieds à la tête ;
  1. en écartant les cuisses, comme une femme couchant avec un homme
  2. s’abstient du coït