Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’adultère chez la femme est, au point de vue moral, plus grave et devrait être jugé devant la loi plus sévèrement que l’adultère commis par l’homme. La femme adultère comble son propre déshonneur par celui de l’époux et de la famille, sans tenir compte de la maxime : Pater incertus[ws 1]. L’instinct naturel et sa position sociale font facilement fauter l’homme, tandis que la femme est protégée par bien des choses. Même les rapports sexuels de la femme non mariée doivent être jugés autrement que ceux de l’homme célibataire. La société exige de l’homme célibataire de bonnes mœurs ; de la femme, la chasteté. Avec la civilisation et la vie sociale de nos temps la femme ne peut servir, au point de vue sexuel, les intérêts sociaux et moraux qu’en tant qu’elle est épouse.

Le but et l’idéal de la femme, même de celle qui est tombée dans la fange et dans le vice, est et sera toujours le mariage. La femme, comme le dit fort justement Mantegazza, ne demande pas seulement à satisfaire son instinct sexuel, mais elle recherche aussi protection et aide pour elle et pour ses enfants. L’homme animé de bons sentiments, fût-il des plus sensuels, recherche pour épouse une femme qui a été chaste et qui l’est encore. Dans ses aspirations vers l’unique but digne d’elle, la femme se sert de la pudeur, cuirasse et ornement de l’être féminin. Mantegazza dit avec beaucoup de finesse que « c’est une des formes physiques de l’estime de soi-même chez la femme ».

L’étude anthropologique et historique du développement de ce plus bel ornement de la femme n’entre pas dans le cadre de notre sujet. Il est probable que la pudeur féminine est un produit de la civilisation perpétué par l’atavisme.

Ce qui forme un contraste bien curieux avec elle, c’est l’étalage occasionnel des charmes physiques, sanctionné par la loi de la mode et la convention sociale, et auquel la vierge, même la plus chaste, se prête dans les soirées de bal. Les mobiles qui président à cette exhibition se comprennent. Heureusement la fille chaste ne s’en rend pas compte, de même qu’elle

  1. Locution du droit romain : Pater incertus, mater semper certissima : « L’identité du père est incertaine, mais celle de la mère est toujours assurée ».