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lement aux personnes de l’autre sexe, mais aussi à celles de son propre sexe.

Voilà le degré auquel peut arriver la perversité sexuelle d’un individu de disposition normale, exempt de tare et jouissant de ses facultés mentales. On ne peut citer aucun cas où la perversité soit devenue une perversion, une inversion du penchant sexuel[1].

Tout autre est la situation de l’individu taré. La sexualité perverse latente se développe sous l’influence de la neurasthénie causée par la masturbation, l’abstinence ou d’autres causes.

Peu à peu le contact avec des personnes de son propre

  1. Garnier (Anomalies sexuelles, Paris, pp. 568-569) rapporte deux cas (Observations 222 et 223) qui semblent être en contradiction avec cette thèse, surtout le premier, où le chagrin éprouvé à la suite de l’infidélité de l’amante a fait succomber le sujet aux séductions des hommes. Mais il ressort clairement de cette observation que cet individu n’a jamais trouvé de plaisir aux actes homosexuels. Dans l’observation 223, il s’agit d’un efféminé ab origine, du moins d’un hermaphrodite psychique. L’opinion de ceux qui rendent une fausse éducation et les états psychologiques exclusivement responsables de l’origine des sentiments et penchants homosexuels, est tout à fait erronée.

    On peut donner à un individu exempt de toute tare l’éducation la plus efféminée, et à une femme l’éducation la plus virile ; ni l’un ni l’autre ne deviendront homosexuels. C’est la disposition naturelle qui est importante et non pas l’éducation et les autres éléments accidentels comme, par exemple, la séduction. Il ne peut être question d’inversion sexuelle que lorsque la personne exerce sur une autre du même sexe un charme psycho-sexuel, c’est-à-dire qu’elle provoque le libido, l’orgasme, et surtout lorsqu’elle produit l’effet d’une attraction psychique. Tout autres sont les cas où, par suite d’une trop grande sensualité et d’une absence de sens esthétique, l’individu se sert, faute de mieux, du corps d’un individu de même sexe pour pratiquer avec lui un acte d’onanisme (non le coït dans le sens d’un entraînement de l’âme).

    Moll, dans son excellente monographie, signale, d’une manière très claire et très convaincante, l’importance décisive de la prédisposition héréditaire en présence de l’importance très relative des causes occasionnelles (Comparez op. cit., pp. 156-175). Il connaît beaucoup de cas « où des rapports sexuels pratiqués avec des hommes pendant une certaine période n’ont pu amener la perversion ». Moll dit aussi d’une manière très significative : « Je connais une épidémie de ce genre (onanisme mutuel) qui s’est produite dans une école berlinoise où un élève, aujourd’hui acteur, avait introduit d’une manière éhontée l’onanisme mutuel. Bien que je connaisse les noms de nombreux uranistes berlinois, je n’ai pu établir avec probabilité qu’aucun des anciens élèves de ce lycée soit devenu uraniste ; par contre, je sais assez exactement que beaucoup d’entre eux, à l’heure qu’il est, se comportent, au point de vue sexuel, d’une façon normale. »