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OBSERVATION 86 (Fétichisme du mouchoir combiné avec l’inversion sexuelle.) – K…, trente-huit ans, ouvrier, homme solidement bâti, se plaint de malaises nombreux, tels que faiblesse des jambes, douleurs dans le dos, maux de tête, manque de courage au travail, etc. Ses plaintes font penser manifestement à la neurasthénie avec tendance à l’hypocondrie. Ce n’est qu’après avoir suivi plusieurs mois mon traitement, qu’il avoua qu’il était aussi anormal au point de vue sexuel.

K… n’a jamais eu aucun penchant pour les femmes ; par contre, les beaux hommes ont exercé sur lui, de tout temps, un charme particulier.

Le malade s’est beaucoup masturbé depuis sa jeunesse jusqu’à l’époque où il est venu me consulter. K… n’a jamais pratiqué ni l’onanisme mutuel, ni la pédérastie. Il ne croit pas qu’il y aurait trouvé une satisfaction quelconque, car, malgré sa prédilection pour les hommes, le plaisir principal pour lui est d’avoir un morceau de linge blanc d’homme ; mais, là encore, c’est la beauté du propriétaire qui joue un rôle important. Ce sont surtout les mouchoirs des beaux hommes qui l’excitent sexuellement. Sa plus grande volupté consiste à se masturber dans des mouchoirs d’hommes. C’est pour cette raison qu’il enlevait souvent des mouchoirs à ses amis ; pour éviter d’être découvert comme voleur, le malade laissait toujours un de ses propres mouchoirs chez l’ami pour remplacer celui qu’il venait de voler. De cette façon, K… voulait échapper au soupçon de vol et faire croire à un changement de mouchoir. D’autres pièces de linge d’homme ont aussi excité K…, mais pas au même point que les mouchoirs.

K… a souvent fait le coït avec des femmes ; il eut des érections suivies d’éjaculation, mais sans aucune sensation de volupté. De plus, le malade n’éprouvait aucune envie particulière de pratiquer le coït. L’érection et l’éjaculation ne se produisaient que, lorsqu’au milieu de l’acte, le malade pensait au mouchoir d’un homme. Il y arrivait encore plus facilement quand il prenait

    les hétéro-sexuels : « La passion pour les mouchoirs peut être si violente que l’homme se trouve littéralement subjugué par ce petit objet. Voici ce qui me fut raconté par une femme : « Je connais un monsieur, me dit-elle ; il me suffit, quand je le vois de loin, de tirer de ma poche le coin de mon mouchoir pour qu’il me suive comme un chien. Je puis aller n’importe où, il ne me quitte plus. Que ce monsieur se trouve en voiture ou soit occupé par une affaire très sérieuse, aussitôt qu’il voit mon mouchoir, il abandonne tout pour me suivre. »