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Le sens sexuel et le sens religieux, envisagés au point de vue psychologique, se composent l’un et l’autre de deux éléments.

La notion la plus primitive de la religion, c’est le sentiment de la dépendance, fait constaté par Schleiermacher bien avant que les sciences nouvelles de l’anthropologie et de l’ethnographie aient abouti au même résultat par l’observation de l’état primitif. Chez l’homme seul, arrivé à un niveau de civilisation plus élevé, le deuxième élément qui est vraiment éthique, c’est-à-dire l’amour de la divinité, entre dans le sentiment religieux. Aux mauvais démons des peuples primitifs succèdent les êtres à deux faces, tantôt bons, tantôt irrités, qui peuplent les mythologies plus compliquées ; enfin on arrive à l’adoration du Dieu souverainement bon, distributeur du salut éternel, que ce salut soit la prospérité terrestre promise par Jéhovah, ou les délices du paradis de Mahomet, ou la béatitude éternelle du ciel des chrétiens, ou le Nirvana espéré par les Bouddhistes.

Pour le sens sexuel, c’est l’amour, l’espoir d’une félicité sans bornes, qui est l’élément primaire. En second lieu apparaît le sentiment de la dépendance. Ce sentiment existe en germe chez les deux êtres ; pourtant il est plus développé chez la femme, étant donnés la position sociale de cette dernière et son rôle passif dans la procréation ; par exception, il peut prévaloir chez des hommes dont le caractère psychique tend vers le féminisme.

Dans le domaine religieux aussi bien que dans le domaine sexuel, l’amour est mystique et transcendantal. Dans l’amour sexuel, on n’a pas conscience du vrai but de l’instinct, la propagation de la race, et la force de l’impulsion est si puissante qu’on ne saurait l’expliquer par une connaissance nette de la satisfaction. Dans le domaine religieux le bonheur désiré et l’être aimé sont d’une nature telle qu’on ne peut pas en avoir une conception empirique. Ces deux états d’âme ouvrent donc à l’imagination le champ le plus vaste. Tous