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scènes répugnantes, en quelles orgies ont dégénéré les fêtes religieuses de l’antiquité, de même que les meetings de certaines sectes modernes, sans parler du mysticisme voluptueux qui se trouve dans les cultes des peuples de l’antiquité.

Par contre, nous voyons souvent la volupté non satisfaite chercher et trouver une compensation dans l’extase religieuse[1].

La connexité entre le sens sexuel et religieux se montre aussi dans le domaine psychopathologique. Il suffit de rappeler à ce propos la puissante sensualité que manifestent beaucoup d’individus atteints de monomanie religieuse ; la confusion bizarre du délire religieux et sexuel, comme on le constate si souvent dans les psychoses, par exemple chez les femmes maniaques qui s’imaginent être la mère de Dieu, mais surtout dans les psychoses produites par la masturbation ; enfin les flagellations cruelles et voluptueuses, les mutilations, les castrations et même le crucifiement, tous actes inspirés par un sentiment maladif d’origine religieuse et génitale en même temps.

Quand on veut expliquer les corrélations psychologiques qui existent entre la religion et l’amour, on se heurte à de grandes difficultés. Pourtant les analogies ne manquent pas.

    Blankebin [NdT : Lapsus des traducteurs, vérifié sur l’original en allemand. – Lire Blanbekin ou Blannbekin. Voir Wikipédia : Agnès Blannbekin] était sans cesse tourmentée par la préoccupation de savoir ce qu’a pu devenir la partie du corps du Christ qu’on a enlevée lors de la circoncision.
    Veronica Juliani [NdT : Plus généralement orthographiée Veronica Giuliani] béatifiée par le pape Pie ii a, par vénération pour l’Agneau céleste, pris un agneau véritable dans son lit, l’a couvert de baisers et l’a laissé téter à ses mamelles, qui donnaient quelques gouttelettes de lait.
    Sainte Catherine de Gènes souffrait souvent d’une telle chaleur intérieure que pour l’apaiser elle se couchait par terre et criait : « Amour, amour, je n’en peux plus ! » Elle avait une affection particulière pour son père confesseur. Un jour elle porta à son nez la main du confesseur et elle sentit un parfum qui lui pénétra au cœur, « parfum céleste, dont les charmes pourraient réveiller les morts ».
    Armelle Nicolas et sainte Élisabeth [NdT : Élisabeth de Schönau] étaient tourmentées d’une passion analogue pour l’enfant Jésus. On connaît les tentations de saint Antoine de Padoue. Nous citons encore comme très caractéristique cette prière trouvée dans un très ancien missel : « Oh ! puissé-je t’avoir trouvé, très charmant Emmanuel, puissé-je t’avoir dans mon lit ! Combien mon âme et mon corps s’en réjouiraient ! Viens, rentre chez moi, mon cœur sera ta chambre ! »

  1. Consulter Friedreich : Diagnostik der psych. Krankheiten, p. 247, et Neumann : Lehrb. der Psychiatrie, p. 80.