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caressé de pareilles idées depuis le moment où j’ai commencé à penser. Si l’origine de ces idées était due à un coup reçu, je n’en aurais pas assurément perdu le souvenir. Ce qui est caractéristique, c’est que ces idées étaient là bien avant l’existence du libido.

Mais alors les représentations étaient tout à fait sans sexe. Je me rappelle qu’étant enfant, j’étais très excité (pour ne pas dire agité) lorsqu’un garçon plus âgé que moi me tutoyait, tandis que je lui disais : « vous ». Je recherchais les conversations avec lui et j’avais soin d’arranger les choses de telle façon que ces tutoiements reviennent le plus souvent possible au cours de notre entretien. Plus tard, quand je fus plus avancé au point de vue sexuel, ces choses n’avaient de charme pour moi que lorsqu’elles avaient lieu avec une femme relativement plus âgée.

II. Je suis, au point de vue physique et psychique, d’un caractère tout à fait viril. Très barbu et le corps entier très poilu. Dans mes rapports non masochistes avec la femme, la position dominante de l’homme est pour moi une condition indispensable, et je repousserais avec énergie toute tentative qui y porterait atteinte. Je suis énergique bien que médiocrement brave, mais le manque de bravoure disparaît surtout quand mon orgueil a été blessé. En présence des événements de la nature (orage, tempête sur la mer, etc.), je suis tout à fait calme[1]

Mes penchants masochistes n’ont pas, non plus, rien de ce qu’on pourrait appeler de féminin ou d’efféminé. Il est vrai qu’alors domine le penchant à être sollicité et recherché par la femme ; cependant les rapports avec la « Souveraine », rapports tant désirés, ne sont pas les mêmes que ceux qui existent entre femme et homme ; mais c’est la condition de l’esclave vis-à-vis du maître, de l’animal domestique vis-à-vis de son propriétaire. En tirant les conséquences extrêmes du masochisme, on ne peut conclure autrement qu’en disant que l’idéal du masochiste c’est d’avoir une situation analogue à celle du chien ou du cheval. Ces deux animaux sont la propriété d’un maître qui les maltraite à sa guise sans qu’il doive en rendre compte à qui que ce soit.

C’est précisément ce pouvoir absolu sur la vie et sur la mort, comme on ne le possède que sur l’esclave et sur l’animal domes-

  1. Cette différence de bravoure en présence des éléments de la nature d’un côté, et en présence des conflits de la volonté de l’autre, est en tout cas bien frappante (comparez Observation 44) ; bien que, dans ce cas, elle constitue la seule marque d’effeminatio dont il a été fait mention.