Page:Krafft-Ebing - Psychopathia Sexualis, Carré, 1895.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.

OBSERVATION 44. — Je suis issu d’une famille névropathique dans laquelle, en dehors de toutes sortes de bizarreries de caractère et de conduite, il y a aussi diverses anomalies au point de vue sexuel.

De tout temps, mon imagination fut très vive, et, de bonne heure, elle fut portée vers les choses sexuelles. En même temps, j’étais, autant que je puis me rappeler, adonné à l’onanisme, longtemps avant ma puberté, c’est-à-dire avant d’avoir des éjaculations. À cette époque déjà, mes pensées, dans des rêveries durant des heures entières, s’occupaient des rapports avec le sexe féminin. Mais les rapports dans lesquels je me mettais idéalement avec l’autre sexe étaient d’un genre bien étrange. Je m’imaginais que j’étais en prison et livré au pouvoir absolu d’une femme, et que cette femme profitait de son pouvoir pour m’infliger des peines et des tortures de toutes sortes. À ce propos, les coups et les flagellations jouaient un grand rôle dans mon imagination, ainsi que d’autres actes et d’autres situations qui, toutes, marquaient une condition de servitude et de soumission. Je me voyais toujours à genoux devant mon idéal, ensuite foulé aux pieds, chargé de fers et jeté en prison. On m’imposait de graves souffrances comme preuve de mon obéissance et pour l’amusement de ma maîtresse. Plus j’étais humilié et maltraité dans mon imagination, plus j’éprouvais de délices en me livrant à ces rêves. En même temps, il se produisit en moi un grand amour pour les velours et les fourrures que j’essayais toujours de toucher et de caresser et qui me causaient aussi des émotions de nature sexuelle.

Je me rappelle bien d’avoir, étant enfant encore, reçu plusieurs corrections de mains de femmes. Je n’en ressentais alors que de la honte et de la douleur, et jamais je n’ai eu l’idée de rattacher les réalités de ce genre à mes rêves. L’intention de me corriger et de me punir m’émouvait douloureusement, tandis que, dans les rêves de mon imagination, je voyais toujours ma « maîtresse » se réjouir de mes souffrances et de mes humiliations, ce qui m’enchantait. Je n’ai pas non plus à rattacher à mes fantaisies les ordres ou la direction des femmes qui me surveillaient pendant mon enfance. De bonne heure, j’ai pu, par la lecture d’ouvrages, apprendre la vérité sur les rapports normaux des deux sexes ; mais cette révélation me laissa absolument froid. La représentation des plaisirs sexuels resta attachée aux images avec lesquelles elle se trouvait unie dès la première heure. J’avais aussi, il est vrai, le désir