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celui d’un réveil-matin. En déplaçant de la manière classique les aiguilles indicatrices des trois cadrans nous étions à même de recevoir la lumière pendant tout le laps de temps désiré, de prolonger sa combustion ou d’amplifier son intensité, obtenant ainsi depuis la vive explosion instantanée jusqu’à une faible scintillation d’une demi-heure. Bien que nous travaillions sans grande ardeur et comme à regret, il faut avouer que cette période fut la plus fructueuse de tout mon séjour sur le Cayambé. Mais elle se termina soudain d’une manière imprévue, fantastique et effrayante.

Au commencement d’août, je vis entrer dans le laboratoire lord Chalsbury, plus fatigué et plus vieilli que jamais.

— Mon cher ami, fit-il négligemment, ma mort est proche et je sens renaître en moi de vieux préjugés. Je désire mourir et être enterré en Angleterre. Je vous laisse un peu d’argent, toutes les constructions, les machines, les ateliers et le terrain. À en juger par ce que je dépensais, les fonds devront vous suffire pour deux ou trois ans. Vous êtes plus jeune et plus énergique que moi, vous arriverez au but. Notre bon ami Nidston vous soutiendra avec plaisir au premier appel. Réfléchissez.

Cet homme m’était depuis longtemps devenu plus cher qu’un père ou un frère, qu’une mère, une femme ou une sœur. C’est pourquoi je lui répondis avec une conviction profonde :

— Mon cher Maître, je ne vous quitterai pas une seconde.

Il m’étreignit et m’embrassa sur le front.

Le lendemain il convoqua tous les ouvriers et serviteurs et leur paya d’avance deux années