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dans une brume dont l’épaisseur augmente à mesure que le dénouement approche. C’est donc à bon droit que j’ai maintenant recours à mon carnet de notes. L’eau de mer en a rongé les premiers et derniers feuillets et s’est même attaquée aux pages du milieu. Cependant je puis, bien qu’avec peine, en reconstituer certains passages. Les voici.

11 décembre. — Aujourd’hui lord Chalsbury et moi sommes descendus à Quito à dos de mulet chercher des tubes de cuivre galvanisés. En cours de route je m’enquis — ce n’était point de ma part vaine curiosité — des moyens sur lesquels nous pouvions compter pour continuer nos expériences. Lord Chalsbury, qui m’a, je crois, accordé depuis longtemps sa confiance, se retourna brusquement sur sa selle et me demanda à brûle-pourpoint :

— Au fait, vous connaissez mister Nidston ?

— Certes, milord.

— Quel excellent homme, n’est-ce pas ?

— Excellent.

— Pourtant en affaires, il se montre plutôt raide et quelque peu pédant ?

— Oui, milord, mais il connaît aussi des élans d’enthousiasme et même d’exaltation.

— Vous êtes observateur, mister Dibbl. — Sachez donc que depuis vingt ans cet original croit à mon idée comme un Mahométan à sa Kaaba. Il s’acquitte sans aucune rémunération de toutes les commissions dont je le charge, bien plus, il a récemment mis à ma disposition tous ses capitaux, me priant d’en disposer à ma guise, en cas de besoin. Et je suis persuadé qu’il n’est pas le seul original de la vieille Angleterre. Courage donc !

12 décembre. — Pour la première fois tord Chalsbury m’a fait remarquer la force