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— Écoutez, mon cher Dibbl, — me dit lord Chalsbury en posant familièrement sur la mienne sa petite main énergique et brûlante, vous n’êtes pas sans avoir entendu dire qu’il suffisait d’un premier regard pour se former sur quelqu’un une opinion exacte. À mon avis, cette assertion est fausse. J’ai eu plus d’une occasion d’observer des gens à mine patibulaire — vous verrez dans quelques jours celle de votre assistant — qui étaient pourtant d’honnêtes gentlemen, et de fidèles amis. D’autre part, il n’est pas rare qu’un visage séduisant, une respectable chevelure blanche et d’honnêtes discours servent de paravent à un affreux gredin devant qui le premier apache venu fait figure de tendre mouton au cou noué d’une faveur rose. Aussi vous me voyez en ce moment dans une grande perplexité, ne pourriez-vous m’aider à la dissiper ?

« Mister de Monts de Riques ignore encore totalement le but et l’importance de mes expériences. Il m’est allié par sa mère. Mister Nidston qui le connaît depuis l’enfance m’a fait savoir dernièrement que ce garçon se trouvait dans une passe particulièrement difficile (ce n’était pas une question d’argent). Je lui ai immédiatement offert de me rejoindre ici et l’empressement avec lequel il a accepté ma proposition prouve que sa situation était vraiment critique. On m’a dit bien des choses sur son compte, mais je n’ajoute foi ni aux bruits, ni aux commérages. Il m’a produit l’impression… de n’en produire aucune ! Peut-être n’ai-je jamais vu d’individu pareil à lui, et cependant il me semble en avoir connu des millions de semblables. Je l’ai vu à l’œuvre tantôt : il me paraît capable, habile, ingénieux et travailleur. En outre, il est intelligent, énergique, bien élevé et ne serait, je crois, déplacé