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des mains, des lèvres et des yeux du jeune homme. Chose étrange ! Elle me rappela ce soir-là ce jouet enfantin : dans une cuvette nage un poisson ou un canard de fer-blanc, un bout de fer fiché dans le bec, et se laisse docilement entraîner par la baguette aimantée qui, de loin, l’attire. Plus d’une fois, j’interrogeai anxieusement le visage de notre hôte : mais je n’y remarquai qu’une expression de joyeuse sérénité.

Après dîner, lady Chalsbury fut la première à proposer à de Monts de Riques une partie de billard. Ils gagnèrent le fumoir et le Maître m’entraîna dans son cabinet.

— Voulez-vous jouer une partie d’échecs ? me demanda-t-il.

— Avec plaisir, bien que je ne sois qu’un médiocre joueur.

— Parfait. Et, ce faisant, nous viderons une bouteille de bon vin.

Il pressa le bouton de la sonnette.

— À quel propos ?

— En votre honneur : je crois avoir trouvé en vous un excellent collaborateur, et, s’il plaît au sort, le continuateur de mon œuvre !

— Oh ! milord !

— Attendez. Quelle boisson préférez-vous ?

— J’avoue à ma honte ne pas m’y connaître.

— Alors, je m’en vais vous en nommer quatre que j’adore : les vins de Bordeaux, le Porto, l’ale écossais et l’eau, et une que je déteste : le vin de Champagne. Respectable Sambo, ordonna-t-il au maître d’hôtel qui attendait silencieux, apportez-nous une bouteille de Château-Laroze.

À mon grand étonnement lord Chalsbury jouait mal. Je le fis rapidement mat. Après la première partie, nous cessâmes de jouer et nous reparlâmes de nos impressions de la matinée.