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Chalsbury portait une robe de soie ponceau. Ses lèvres rouges tranchant sur son visage pâle et légèrement fatigué flamboyaient comme une fleur pourpre, comme un charbon ardent. Jamais je ne vis — ni auparavant, ni plus tard — de Monts de Riques plus beau, plus frais, plus élégant, tandis que je me sentais exténué sous l’afflux des multiples sensations de la journée. Je crus tout d’abord qu’il se cantonnerait ce soir-là dans le rôle difficile, mais qui devait lui être familier, d’observateur. Cependant, lady Chalsbury s’aperçut que l’électricien avait le bras droit bandé au-dessus du poignet. De Monts de Riques expliqua fort modestement qu’une courroie de transmission trop faiblement tendue s’était détachée de l’arbre de couche, et lui avait, en tombant, égratigné le bras. Ce fut lui qui, pendant toute la soirée, dirigea la conversation, avec beaucoup de tact d’ailleurs. Il parla de ses voyages en Abyssinie, où il avait cherché l’or dans les vallées montagneuses voisines du Sahara, de ses chasses au lion en Afrique et au renard en Angleterre, des dernières courses d’Epsom, et de l’écrivain Oscar Wilde, dont la vogue commençait alors et avec lequel il était lié. Ses récits étaient vraiment épiques, trait fort rare et que je n’ai jamais, je crois, rencontré chez aucun autre causeur. En racontant, il ne se mettait jamais en scène, et pourtant, sa personnalité, volontairement laissée dans la pénombre, s’éclairait toujours mystérieusement de teintes tantôt tendres, tantôt héroïques.

Il ne posait plus maintenant sur lady Chalsbury que de rares regards caressants et langoureux, décochés de dessous les longs cils baissés, tandis qu’elle ne pouvait détacher de lui ses yeux sombres et énigmatiques qui suivaient tour à tour les mouvements de la tête,