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chauds et des chaussures fourrées. Vous ne pouviez pas savoir que vous alliez vivre à l’altitude des neiges éternelles. J’ai tâché de prendre tous ces effets à votre mesure, mais, pour ne pas me tromper, j’ai préféré les choisir plus larges qu’étroits. Parmi vos petits colis, vous trouverez une caissette renfermant des remèdes contre le mal de mer : à vous parler franc, je les crois peu opérants, mais vous pouvez toujours essayer. La mer vous cause-t-elle des vertiges ?

— Oui, mais peu douloureux. D’ailleurs, je possède un talisman contre tous les dangers sur mer.

Je lui montrai le rubis, cadeau de M. Daniels. Il le considéra avec attention, secoua la tête et dit pensivement :

— J’ai vu quelque part une pierre de ce genre portant, je crois, une inscription identique… Mais votre compagnon nous a aperçus et se dirige de notre côté. De tout cœur, mon cher Monsieur Dibbl, je vous souhaite bonne traversée, bon courage et bonne santé… Ah ! bonjour ! mister de Monts de Riques. Faites connaissance, Messieurs. Mister Dibbl, mister de Monts de Riques — futurs collègues et collaborateurs.

Grand, maigre, pimpant et efféminé, ce mirliflore ne me plut guère non plus. On sentait dans tout son être et dans tous ses mouvements la force gracieuse, souple et nonchalante des grands fauves. Ses beaux yeux sombres et humides, ses petites moustaches noires, coupées court sur une bouche rouge de dessin antique, lui donnaient un vague aspect levantin. Nous échangeâmes quelques compliments insignifiants. À ce moment une cloche tinta sur le tillac et la sirène ébranla le pont d’un farouche mugissement.