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— Oh certes, mon cher, votre tâche sera fort belle, sublime même. Le moment est venu de vous révéler en toute franchise le peu que je sais. Depuis neuf ans, lord Chalsbury travaille à une œuvre invraisemblablement grandiose. Il veut à tout prix arriver à condenser en un gaz la substance des rayons solaires, et en comprimant ce gaz au moyen d’une colossale pression dans une température effroyablement basse, l’amener à l’état liquide. Si Dieu lui accorde le succès, son invention aura des résultats incalculables.

— Incalculables ! — répétais-je à voix basse, écrasé et enthousiasmé à la fois par les paroles de mister Nidston.

— C’est tout ce que je sais, — continua l’homme d’affaires. Si pourtant : lord Chalsbury m’a récemment écrit que ses travaux touchaient à leur fin et qu’il doutait moins que jamais de leur heureux résultat. Il faut vous dire, mon cher ami, que lord Chalsbury est un des flambeaux de la science, un grand inspiré, un des plus beaux génies qui aient jamais existé. Par ailleurs, c’est un véritable aristocrate de naissance et d’esprit, un philanthrope désintéressé, un maître aimable et patient, un délicieux causeur et un fidèle ami. Sa beauté morale est si fascinatrice qu’elle lui attire tous les cœurs…

Mister Nidston interrompit brusquement son panégyrique.

— J’aperçois votre compagnon de route sur la passerelle, reprit-il sèchement. Prenez cette enveloppe. Elle contient de l’argent, vos billets et l’indication exacte de l’itinéraire à suivre en débarquant. Votre traversée durera de seize à dix-huit jours. Dès demain, vous aurez le spleen. En prévision, j’ai fait porter dans votre cabine une trentaine de bouquins… J’ai ajouté à vos bagages une valise contenant des vêtements