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— Ne voulez-vous pas maintenant y jeter un coup d’œil ?

— Avec plaisir, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, répondis-je, en dissimulant avec peine ma curiosité.

Tels des prêtres accomplissant un rite sacré les deux Juifs tirèrent en même temps de la poche de côté de leurs longues redingotes, Daniels, un écrin de chêne, Maas, un écrin de cuir rouge ; ils en ouvrirent religieusement les fermoirs d’or et soulevèrent les couvercles. Les deux coffrets, doublés intérieurement de velours blanc, me parurent tout d’abord vides. Mais en me penchant sur eux et les examinant de très près, j’aperçus deux lentilles de verre, rondes, convexes, totalement incolores, d’une eau si pure et si transparente que, sans les traits menus et géométriquement réguliers de leurs contours, elles fussent demeurées complètement invisibles.

— Merveilleux travail ! m’écriai-je extasié. Vous avez sans doute fort longtemps peiné sur ces verres ?

— Jeune homme, murmura Daniels dans un chuchotement effrayé — ce ne sont pas des verres, mais des diamants. Celui qui est sorti de mon atelier pèse trente carats et demi, et celui de M. Maas soixante et dix carats !

Je fus tellement stupéfait que je perdis mon habituel sang-froid.

— Des diamants ? Des diamants auxquels on a réussi à donner une table sphérique ? Mais c’est un prodige. Je n’ai ni lu ni ouï dire que jamais homme ait atteint pareil résultat !

— Ne vous ai-je pas affirmé que ces pièces étaient uniques au monde, reprit solennellement le joaillier. Toutefois, votre étonnement a lieu de me surprendre. Est-ce vraiment pour