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pour lui révéler le secret de notre entreprise. Cela se passait à Berlin, dans une chambre d’hôtel au quatrième étage. En quelques mots sévères, je fis remarquer à ce gras et insolent animal qu’il avait l’honneur de parler à un gentleman anglais. Mais, hennissant comme un percheron, il me frappa familièrement sur l’épaule et s’écria :

— Eh, mon très cher, trêve de plaisanteries Nous en comprenons fort bien le prix et la signification. Vous trouvez la somme insuffisante ? En gens d’affaires avisés et intelligents, nous pourrons très bien tomber d’accord…

Son ton trivial et ses gestes grossiers me déplurent fort. J’ouvris toute grande l’énorme baie de ma chambre et lui montrant le pavé du doigt, prononçai fermement :

— Un mot de plus, et pour sortir d’ici, vous n’aurez pas besoin d’ascenseur. Allons, oust ! un, deux…

Il pâlit, se leva, fou de peur et de rage, grommela quelques injures en son grasseyant jargon berlinois et sortit en claquant si fort la porte que le plancher trembla, et que tous les objets disposés sur ma table sursautèrent…

Amsterdam fut ma dernière étape sur le continent. J’étais porteur de lettres d’introduction pour deux des plus célèbres lapidaires de cette ville, MM. Maas et Daniels, Israélites intelligents, polis, graves et méfiants. Quand j’allai les voir, l’un après l’autre, Daniels insinua dès l’abord : « Vous avez aussi, n’est-ce pas une commission pour M. Maas ? » Et Maas, dès qu’il eut pris connaissance de ma lettre, s’enquit : « Bien entendu, vous avez déjà vu M. Daniels ? »

Tous deux firent preuve dans leurs relations avec moi d’une circonspection et d’une méfiance sans bornes ; ils tinrent de longs conciliabules, envoyèrent