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ils ne négligeraient pas leurs affaires, et nous n’aurions pas besoin d’aller demander nos instruments de physique aux Français et aux Allemands. »

Je le dis en toute franchise et sans vanterie aucune : je ne me départis nulle part de la dignité voulue, parce qu’à toutes les minutes critiques retentissait à mes oreilles la voix chevrotante de mister Nidston : « Jamais, jamais Anglais ne sera esclave. »

Au reste, je n’eus pas à me plaindre d’une insuffisance d’attention et de prévenance de la part des savants opticiens et célèbres fabricants d’instruments de précision. Mes lettres de recommandation, signées de longues et noires pattes de mouche complètement indéchiffrables et fort lisiblement contresignées par mister Nidston, furent la baguette enchantée qui m’ouvrit portes et cœurs. J’observai avec un profond et toujours croissant intérêt le polissage de lentilles convexes et concaves et l’ajustage d’ingénieux, délicats et merveilleux instruments de cuivre ou d’acier scintillant, dont toutes les vis, rayures et tubulures étincelaient. Quand on me montra pour la première fois, dans une des plus fameuses usines du monde, un réfracteur de 1 m. 35 à peu près terminé et qui n’avait plus besoin que de deux à trois années de polissage définitif, mon enthousiasme et mon attendrissement devant la puissance de l’esprit humain me coupèrent la respiration et arrêtèrent les battements de mon cœur.

Mais je fus étrangement surpris de l’insistance avec laquelle ces hommes sérieux et savants essayèrent tous, secrètement les uns des autres, de pénétrer les intentions de mon mystérieux patron. Parfois avec finesse et subtilité, parfois avec une maladresse grossière, ils