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— Soit, dis-je. Je vous crois. Je suis désormais à vos ordres.

— Oh ! pourquoi si vite ? répliqua très cordialement M. Nidston. Nous ne sommes pas si pressés. Nous avons encore le temps de prendre une bouteille de clairet — il pressa le bouton de la sonnette — puis vous ferez vos bagages et mettrez ordre à vos affaires, et ce soir à huit heures, vous voudrez bien vous trouver à bord du vapeur Léon et Madeleine où je viendrai vous remettre votre itinéraire exact, des chèques sur diverses banques et de l’argent pour vos dépenses personnelles. Mon cher jeune homme, je bois à votre santé et à vos succès. Ah ! si vous saviez — s’écria-t-il dans un transport inattendu d’enthousiasme — si vous saviez comme je vous envie, mon cher mister Dibbl !

À moitié sincère, je lui répliquai — légère et innocente flatterie :

— Qui vous retient, mon cher mister Nidston ? Je vous jure que vous êtes, de cœur, aussi jeune que moi.

Il plongea dans son verre son long nez finement contourné, se tut quelques instants et grommela dans un soupir de sincérité :

— Qui me retient ? Mon étude qui date presque des Plantagenets, mes ancêtres, les innombrables liens qui m’unissent à mes clients, collaborateurs, amis et ennemis… et bien d’autres raisons qu’il serait trop long d’énumérer. Ainsi, mon cher, vous ne conservez plus aucun doute ?

— Aucun.

— Dans ce cas, trinquons et chantons « Rule Britannia ».

Aussitôt dit que fait. Et tous deux — le gamin hier encore vagabond, et l’homme d’affaires qui, du fond de son obscur et sale cabinet, influait sur le sort des puissances et des capitaux