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de l’intelligence, de la volonté et du travail des hommes. Il vous dira que si, dans son juste courroux, Dieu s’est détourné de l’humanité, celle-ci trouvera son appui en sa propre intelligence vraiment incommensurable. Il vous dira que les brouillards, les maladies, les climats, les vents, les éruptions de volcans, tous ces phénomènes sont soumis à l’influence et au contrôle de la volonté humaine. Il vous dira enfin que le globe terrestre peut être converti en un véritable paradis et son existence prolongée de quelques centaines de milliers d’années. Que répondriez-vous à cet homme ?

— Et si celui qui m’offre de vivre ce rêve enchanteur se trompe ? Si je deviens le jouet involontaire d’un monomane, d’un maniaque, d’un dément ?

Mister Nidston se leva, et me tendant la main en signe d’adieu, proféra solennellement :

— Non. À bord du vapeur, dans deux ou trois mois (si, bien entendu, nous tombons d’accord), je vous révélerai le nom de ce savant et le but qu’il poursuit, et vous vous découvrirez en signe de profond respect pour l’homme et l’idée. Mais personnellement, je suis malheureusement un profane, mister Dibbl. Je ne suis qu’un homme d’affaires — dépositaire et représentant des intérêts d’autrui.

Après une telle réception, je me tins pour assuré que la Destinée s’était enfin lassée de me montrer inexorablement le dos et se décidait à me laisser entrevoir sa face mystérieuse. Aussi, dès le soir même, consacrai-je mes dernières économies à un festin d’un luxe inouï — jambon bouilli, punch, plum-pudding et