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observant le peuple grand-russien dans toutes les couches de la société, nous rencontrons assez fréquemment des personnes d’une morale toute chrétienne, dont la religion cherche à réaliser pratiquement le bien, mais elles n’ont que peu de vraie piété intérieure, nous rencontrons aussi des hypocrites, des cagots, occupés surtout de la stricte observation des rites, des règles extérieures, des formes, mais aussi sans vraie piété, la plupart très froids pour la religion, accomplissant les cérémonies par habitude, sans comprendre pourquoi elles existent, et enfin dans la classe supérieure, dite intellectuelle, on rencontre force incrédules, non par suite d’un travail mental et après une lutte contre les anciennes superstitions, mais parce qu’ils pensent que le scepticisme est un indice d’instruction. Les natures vraiment pieuses forment une minorité et chez eux la piété n’est pas une marque de leur nationalité, appartenant à la majorité du peuple, c’est une idiosyncrasie individuelle. Chez les Russes méridionaux, nous rencontrons tout le contraire. Ce peuple a beaucoup de ce qui manque, ils ont un vif sentiment de la présence de Dieu partout, une vraie piété, qui s’adresse directement à Dieu, des réflexions secrètes sur la Providence, sur eux-mêmes, un entraînement de tout le cœur vers un monde spirituel, inconnu, mystérieux. L’Ukranien accomplit les cérémonies du culte, respecte les formules, mais ne les soumet pas à la critique ; il ne lui viendra pas à l’esprit de se demander s’il faut redire deux ou trois fois l’alléluia, s’il convient de faire le signe de la croix avec tels ou tels doigts et si cette question était soulevée, il suffirait que le prêtre lui dise que l’Église l’avait fixé ainsi. S’il avait fallu introduire des changements dans les cérémonies extérieures du culte, ou dans la traduction des écritures saintes, l’Ukranien n’aurait jamais protesté, il ne lui serait jamais venu l’idée qu’il s’agissait de mutilation de choses sacrées. Ils comprennent que les formes extérieures sont établies par l’Église représentée par ses dignitaires, qui fixent mais qui n’abîment pas ce qui est essentiel et que les laïques doivent suivre sans résistance ; car puisque telle ou telle forme extérieure représente la même réalité, ces formes ne valent pas la peine qu’on en fasse un sujet de discorde.

Il nous est arrivé de parler à des personnes religieuses de l’une et l’autre nationalité ; le Grand-Russien montrait sa piété en discours sur le rituel, et la forme y jouait un grand rôle, s’il est orthodoxe, sa religion consiste en mômeries extérieures. L’Ukra-