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La conquête tatare vint nécessairement aider à la formation de cette idée ; un long abaissement sous le joug d’étrangers d’une autre religion était remplacé par l’arrogance et par l’abaissement des autres. Un esclave affranchi devient facilement impertinent. C’est ce qui rendit nécessaire l’enthousiasme pour tout ce qui était étranger, qui, depuis Pierre Ier prend l’apparence de réforme. L’extrême appelle naturellement l’extrême contraire.

Dans la Petite-Russie ce n’était pas le cas. Déjà dans les temps anciens, Kief, et ensuite Vladimir de Volhynie étaient des points de réunion, des lieux de séjour d’étrangers appartenant à diverses religions et à diverses races. Les Ukraniens, depuis les temps les plus anciens, s’étaient accoutumés à entendre chez eux les langues étrangères et ne s’offensaient pas de voir des gens avec d’autres opinions ou d’autres tendances. Déjà au Xe siècle et probablement avant, des Ukraniens se rendaient en Grèce, d’autres s’occupaient de commerce dans les pays étrangers, d’autres enfin servaient dans les armées des monarques étrangers. Après le baptême de ce peuple la civilisation chrétienne introduite dans la Russie méridionale y attira encore un plus grand élément étranger de différentes contrées. Les Ukraniens, qui avaient reçu des Grecs leur nouvelle religion, n’avaient pas adopté la haine de l’église latine, sentiment si répandu en Grèce. Les archevêques, qui eux-mêmes étaient étrangers, s’efforçaient de transporter cette haine sur un terrain vierge, mais ils n’eurent pas beaucoup de succès ; dans les esprits petits-russiens, un catholique ne prenait pas une image hostile. Des personnes de familles princières épousaient des personnes d’autres familles princières, de religion catholique, et ceci se passait aussi probablement dans le peuple. Dans les villes ukraniennes, les Grecs, les Arméniens, les Allemands, les Polonais, les Hongrois trouvaient un asile hospitalier, ils s’entendaient bien avec les indigènes. Les Polonais, qui étaient venus dans le pays de Kief en qualité d’auxiliaires du prince Isiaslaff, étaient ravis de la gaîté de la vie en pays étranger. Cet esprit de tolérance, l’absence d’orgueil nationaliste passa ensuite dans le caractère cosaque et est restée dans le peuple jusqu’à présent. Chacun pouvait entrer dans la société cosaque, on ne lui demandait ni qui il était, ni sa religion, ni sa nationalité. Lorsque les Polonais se plaignirent que les Cosaques reçussent chez eux divers vagabonds, et parmi eux des hérétiques qui avaient fui les poursuites des