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princes, il ne prenait pas de mesures utiles pour défendre son existence qui lui était chère, ne marchait pas en avant, il me restait pourtant pas comme une mare stagnante mais il se secouait, tournait, s’agitait sur place. Il y avait bien un but devant ses yeux, mais indistinct, et il ne cherchait pas la voie directe pour l’atteindre. Il reconnaissait sa parenté, sa consanguinité avec le peuple russe, mais ne pouvait se faire l’instrument de l’union générale, il voulait en même temps conserver dans cette unité son régionalisme, mais il ne le put. Novgorod, ainsi que la Russie méridionale, s’en tenait au fédéralisme, même quand la tempête eut emporté la structure non achevée de ses institutions.

De même l’Ukraine conserva pendant des siècles ses anciennes idées ; elles avaient passé dans le sang du peuple, sans que celui-ci en fût conscient, et l’Ukraine ayant adopté la forme de l’organisation cosaque — née chez elle anciennement — chercha à affermir ce fédéralisme par une union avec la Moscovie où depuis bien longtemps il avait disparu.

Plus haut j’ai fait remarquer que le Kozatchestvo (organisation des Cosaques) avait commencé aux XIIe-XIIIe siècles. Malheureusement l’histoire de Kief, de l’Ukraine russe semble disparaître après l’invasion tartare. Nous connaissons fort mal la vie populaire au XIVe et au XVe siècle. Mais les principes de ce qui se montra si énergique au XVIe siècle ne s’étaient pas éteints, mais s’étaient fortifiés. La domination lithuanienne rajeunit et raviva l’ordre des choses devenu caduc, de même qu’une fois l’arrivée de la Rouss lithuanienne sur les bords du Dnieper avait renouvelé les forces du peuple épuisées par la pression des peuples étrangers. Mais la vie suivit son cours. Les petits princes, non plus de la maison de Rurik mais d’une autre maison, celle de Ghedimine, s’étant bientôt russifiés comme les précédents, comme eux aussi jouèrent leur sort. Faute de documents, on ne peut dire jusqu’à quel point le peuple y avait participé ; mais il est certain que tout continuait comme par le passé ; qu’il y avait les mêmes milices, que des foules belliqueuses aidaient les princes, les menaient, les armaient les uns contre les autres. La réunion avec la Pologne rassembla les forces les plus vives de la Rouss et leur donna une autre direction ; au lieu de chefs, de conducteurs de bandes nomades, elle en fit des propriétaires fon-