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si ton âme avait été celle d’une Négresse, recevoir de toi la coupe empoisonnée. »

La vieille, qui avait rougi à ces mots, le pria de s’asseoir, et Toni, se plaçant à table près de lui, resta les bras pendans à le regarder manger.

L’étranger lui ayant demandé quels étaient son âge et sa ville natale, la vieille répondit qu’elle lui avait donné le jour à Paris il y avait quinze ans, pendant un voyage qu’elle avait fait en Europe avec madame de Villeneuve. Elle ajouta que le nègre qu’elle avait épousée depuis avait voulu que Toni portât le nom de son père, qui était un riche marchand de Marseille nommé Bertrand.

« L’avez-vous connu en France ? demanda Toni à l’officier.

— Non, répondit-il ; j’ai passé peu de jours à Marseille avant mon départ