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Cet homme extraordinaire passa jusqu’à sa trentième année pour le modèle des bons bourgeois. Il possédait, dans un petit village qui porte son nom, une ferme où il vivait paisiblement du gain de son commerce, élevant dans la crainte de Dieu et dans l’amour du travail et de la vertu les enfans que sa femme lui donnait chaque année. Il n’était pas un de ses voisins qui n’eût à se louer de sa bienfaisance ou de sa probité, et le monde eût dû bénir son nom, s’il n’avait poussé jusqu’à l’excès une de ses belles vertus. Le sentiment profond de la justice en fit un brigand et un meurtrier.

Il partit un jour de chez lui avec une troupe de chevaux, tous beaux, gras et bien nourris. En cheminant, il calculait le profit qu’il comptait retirer de son marché, et l’usage qu’il