Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment pour m’énerver. Je m’en apercevais bien.

Par un accident regrettable, une de mes meilleures balles alla taper sur le nez de la bonne brebis. Cela fit rire la mauvaise, mais rire distinctement et nettement, d’un rire rauque et vulgaire ; et pendant que son amie trop étonnée pour bouger restait clouée sur place, elle changea de ton pour la première fois et bêla :

— Bi-en, très bi-en ! le meilleur coup qu’il ait fait !

J’aurais donné une demi-couronne pour que ce fût elle qui reçût le coup. Ce sont toujours les bons qui pâtissent.

J’avais perdu dans ce pré plus de temps que je n’avais prévu et ce n’est que quand Ethelbertha vint me dire qu’il était sept heures et demie et que le déjeuner était servi, que je me rappelai ne m’être pas encore rasé. Ethelbertha n’aime pas que je me rase à la hâte. Elle craint que les étrangers ne croient à une tentative de suicide manquée et qu’on chuchote que nous faisons mauvais ménage. Elle ajouta malicieusement que ma physionomie n’est pas de celles avec lesquelles on puisse se permettre de badiner.

Tout compte fait j’aimais autant que les cérémonies d’adieu avec Ethelbertha ne se prolongeassent pas ; je craignais une trop grande tension de ses nerfs. Mais j’aurais aimé avoir le temps d’adresser quelques conseils à mes enfants, spécialement au sujet de ma canne à pêche, dont ils ont la manie de