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heures et quart », selon le cas ; et ils ouvrent les yeux sur le coup de l’heure dite. Ceci tient du miracle. Plus vous réfléchissez à ce fait, plus vous le trouverez mystérieux. Un second moi doit agir indépendamment de notre moi conscient ; il doit être capable de compter les heures pendant que nous dormons, veillant dans l’obscurité, sans l’aide ni du soleil ni des pendules, ni de nul moyen connu d’aucun de nos cinq sens. Il nous chuchote : « C’est l’heure » au moment exact, et vous vous réveillez. J’ai causé une fois avec un vieux débardeur qui pour son travail était forcé de se lever tous les matins une demi-heure avant la marée. Il me confia que jamais il ne lui était arrivé de se réveiller une minute trop tard et qu’il ne se donnait même plus la peine de calculer l’heure de la marée. Il se couche fatigué, dort d’un sommeil sans rêve, et chaque matin à une heure différente son veilleur spectral, exact comme la marée elle-même, vient l’appeler doucement. L’esprit de cet homme errait-il à travers l’obscurité, pataugeant sur les bords de la mer ? Avait-il connaissance des lois de la nature ? En ce qui me concerne, mon veilleur intérieur a peut-être quelque peu perdu l’habitude de ses fonctions. Il fait de son mieux ; mais il est trop scrupuleux, il se fait du mauvais sang et se perd dans ses calculs. Je lui dis par exemple : « À cinq heures et demie s. v. p. » ; et il me réveille en sursaut à deux heures trente. Je regarde ma montre. Il me suggère que je dois avoir oublié de la