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train joyeusement pendant cinq lieues environ. C’est alors qu’il eut le sentiment, selon son explication, de quelque chose d’anormal. Ce n’était pas le silence qui l’étonnait ; le vent soufflait avec vigueur et la machine faisait beaucoup de bruit. Il fut plutôt frappé par une sensation de vide. Il tâta derrière son dos : il n’y trouva que l’espace sans limite. Il sauta ou plutôt tomba de sa machine, regarda la route parcourue ; elle s’étendait droite et blanche à travers la sombre forêt et nul être animé n’y était visible. Il se remit en selle et, rebroussant chemin, remonta la colline. Dix minutes plus tard il se retrouva à un endroit où la route se divisait en quatre ; là il mit pied à terre et essaya de rassembler ses souvenirs pour découvrir par quel chemin il était venu.

Tandis qu’il restait ainsi rêveur, un homme passa, assis en amazone sur un cheval. Harris l’arrêta et lui fit comprendre qu’il avait perdu sa femme. L’homme ne sembla ni surpris ni compatissant. Pendant qu’ils causaient, un autre fermier les joignit ; le premier présenta au survenant l’affaire, non pas comme un accident, mais comme une histoire plaisante. Ce qui parut surprendre le second fut que Harris manifestât du désespoir. Il ne put rien tirer ni de l’un ni de l’autre : il proféra un juron, enfourcha sa machine et s’engagea au hasard sur la route du milieu. À mi-côte il rencontra deux jeunes femmes accompagnées d’un jeune homme, groupe joyeux. Il leur demanda s’ils