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Jamais je n’avais entendu Ethelbertha parler ainsi ; elle m’étonnait et me chagrinait profondément.

— Ce n’est pas une remarque très affable, remarquai-je, ni bien digne d’une épouse.

— J’en conviens, admit-elle, et c’est bien pour cela que je ne l’avais pas formulée jusqu’ici. Vous autres, hommes, vous ne comprendrez jamais que, si vif que puisse être l’amour d’une femme, il y ait des moments où elle s’en fatigue, Tu ne sais pas combien de fois j’ai souhaité de pouvoir mettre mon chapeau et sortir sans entendre tes : « Où vas-tu ? Pourquoi vas-tu là ? Combien de temps resteras-tu dehors et quand seras-tu rentrée ? » Tu ne sais pas combien souvent l’envie me démange de commander un dîner que j’aimerais et que les enfants aimeraient aussi, et qui aurait le don de te faire mettre ton chapeau pour aller dîner au club. Oh ! inviter une amie qui me plaît et que je sais te déplaire, aller voir des gens que j’aimerais voir, aller me coucher quand j'aurais sommeil et me lever à mon gré ! Deux personnes vivant ensemble sont forcées de se sacrifier mutuellement leurs désirs. C’est quelquefois un bienfait de se relâcher un peu de la tension journalière.

Plus tard seulement, ruminant les paroles d’Ethelbertha, je suis arrivé à en comprendre la sagesse ; mais, je le confesse, sur le moment, je me sentis blessé au vif.

— Si tu désires, dis-je, être débarrassée de moi…