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— Pourquoi donc ? me demanda-t-elle, pleine d’étonnement.

— J’ai tout lieu de croire que vous l’avez vexé. Il y a beaucoup de chances pour qu’il soit en ce moment derrière cette porte en train de fumer sa pipe et de lire son journal.

— Quel marchand extraordinaire ! s’exclama mon amie, en rassemblant ses paquets et en sortant majestueusement indignée.

— C’est leur manière, expliquai-je. Voici la marchandise. Si vous voulez l’acheter, vous pouvez l’avoir. Si vous n’y tenez pas, ils aimeraient tout autant que vous ne vinssiez pas leur en parler.

Une autre fois j’entendis dans le fumoir d’un hôtel allemand un Anglais de petite taille raconter une histoire qu’à sa place j’aurais tue.

— Essayer de marchander avec un Allemand ? disait ce petit Anglais. Il semble qu’il ne vous comprenne pas. Ayant vu une première édition des Brigands à la vitrine d’une librairie du Georg Platz, j’entrai et en demandai le prix. Un vieil original se tenait derrière le comptoir. Il me répondit : « 25 marks » et continua sa lecture. Je lui expliquai alors que j’en avais vu un plus bel exemplaire à 20 marks quelques jours auparavant : c’est ainsi que l’on fait quand on veut marchander ; c’est admis. Il me demanda : « Où ? » Je lui dis : « Dans un magasin, à Leipzig ». Il me conseilla d’y retourner et de l’acquérir ; que j’achetasse son livre ou le lui laissasse, cela semblait peu lui im-