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vigoureux et bien placé, et le cochon le reçut en plein ; rien ne s’en perdit. On avait pitié du pauvre animal, mais quelle que fût la compassion qu’on ressentît pour lui, elle n’était pas comparable à celle qu’il ressentait pour lui-même. Il s’arrêta de courir. Il s’assit au milieu de la pièce et, prenant l’univers à témoin, il le rendit juge de l’injustice de son sort. On dut entendre ses plaintes jusque dans les vallées environnantes et se demander quelle révolution cosmique bouleversait la montagne.

Quant à la poule, elle courait en caquetant dans toutes les directions à la fois. C’était un oiseau remarquable ; elle semblait avoir la faculté d’escalader sans peine un mur à pic ; et elle et le chat, à eux deux, arrivaient à jeter par terre tout ce qui ne s’y trouvait pas encore. En moins de quarante secondes il y eut dans cette salle neuf personnes contre un seul chien, et toutes occupées à lui administrer des coups de pied. Il est probable que de temps à autre l’un d’eux atteignait son but, car parfois le chien s’arrêtait d’aboyer pour hurler. Mais il ne se décourageait pas pour cela. Il pensait évidemment que tout ici-bas doit se payer, même une chasse au cochon et au poulet ; et que, somme toute, cela en valait la peine.

Il avait en outre la satisfaction de voir que, pour chaque coup reçu par lui, la plupart des autres êtres vivants présents en encaissaient deux. Quant au malheureux cochon — celui qui restait