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lotion pour faire repousser les cheveux et obtenu qu’un pharmacien de l’endroit acceptât de la lancer et de lui faire de la réclame. Aussi s’efforçait-il, les trois quarts du temps, de nous vanter, non pas les beautés de Prague, mais les bienfaits que vaudrait à l’humanité son liquide. Il avait pris pour de la sympathie envers sa misérable lotion l’assentiment conventionnel que nous donnions à son éloquence enthousiaste (nous croyions qu’il nous développait ses idées sur l’architecture).

De telle sorte qu’il nous fut impossible de le ramener à tout autre sujet. Il traitait les palais en ruines et les églises branlantes en quantités négligeables, tout au plus bonnes à flatter le goût dépravé d’un décadent. Il avait l’air de croire que son devoir ne consistait pas à nous faire méditer sur les ravages du temps, mais plutôt sur les moyens de les réparer. Que nous importaient des héros aux têtes cassées ou des saints chauves ? Vivait-on parmi les vivants ou parmi les morts ? et, plutôt qu’à ceux-ci, ne devrions-nous pas être attentifs à ces jeunes filles et jeunes gens qu’un usage rationnel du « kophkeo » avait lotis (tout au moins sur l’étiquette) de nattes interminables ou d’épaisses moustaches ?

Dans son cerveau, inconsciemment, il avait divisé le monde en deux catégories. Le Passé (avant l’usage) : des gens peu intéressants, à l’air maladif et désagréable. L’Avenir (après usage) : un choix de gens gras, joviaux, à physionomie avenante. Et