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le chien d’or

serait pas à l’auberge comme nous, pauvres habitants, qui ne savons que faire à la maison quand la femme coule la lessive.

— Pierre Philibert ! fit le notaire en se frottant les mains, je le connais. Un héros comme St. Denis ! C’est lui qui est allé à Beaumanoir chercher Le Gardeur. Il l’a ramené comme un chat fait de son petit.

— Comment ! entre ses dents ?

— Pas de plaisanteries, Jean, sois convenable, remarqua le notaire légèrement froissé. N’étire pas mes comparaisons comme un fil, ou comme ton esprit. C’est dommage qu’il ne soit pas ici, le colonel Philibert, il le sortirait bien lui, son ami Le Gardeur…

II.

Après cette réplique, le notaire alla se mettre à la fenêtre où la pluie se précipitait avec fureur. La nuit approchait et les ombres commençaient à envelopper les bois et les champs. Sur le cap, les grands pins noirs se berçaient au vent en poussant des plaintes lugubres.

Maître Pothier suivit du regard la route vaseuse qui s’enfonçait dans l’obscurité. Il y avait une lieue pour se rendre au manoir. Une lieue, par un temps pareil, c’était long. Il se tourna vers l’âtre où flambaient les sarments, songea au bon cidre, aux joyeux camarades, et revint s’asseoir bien tranquillement dans son fauteuil.

Il tira sa pipe, son sac à tabac et se mit à fumer. Il était décidé d’attendre le beau temps au coin du feu. Cependant il était inquiet, agité. Le bruit des voix, le son de l’argent, le choc des dés d’ivoire, les éclats de rire qui venaient du salon, tout cela le troublait fort. Il vida quelques bons verres pour se calmer. Il devint lourd, somnolent. Il en prit d’autres alors pour se réveiller.

— Bah ! se dit-il en lui-mème, un homme est capable de marcher à la pluie, quand il est capable de