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le chien d’or

solides. Alors il s’efforça de reprendre possession de lui-même.

— J’ai peut-être été un peu trop vif, Rigaud, dit-il, mais quand je songe au Bigot d’autrefois, comment puis-je avoir confiance au Bigot d’aujourd’hui ?

N’importe ! par Dieu ! je la retrouverai, la fille de mon vieil ami ! je la retrouverai ! fut-elle à dix pieds sous terre, et dussé-je, pour cela, bouleverser toute la face de la Nouvelle-France ! j’en fais le serment ! et de la Corne St. Luc sait tenir ses serments !

Il prononça cette dernière parole de manière à être entendu, et en regardant Bigot. L’Intendant le maudit vingt fois entre ses dents, car il connaissait l’énergie et la sagacité qu’il déployait quand il avait à cœur de réussir dans une entreprise. Il se doutait bien que de La Corne découvrirait aussitôt la présence d’une étrangère au château de Beaumanoir, surtout parce que cette étrangère était la fille du baron de St. Castin.

XI.

Le pieux évêque s’était levé pendant que de la Corne et l’Intendant échangeaient des paroles de menaces. Il aurait bien voulu calmer la colère qui sourdait et rétablir la paix dans les cœurs, mais il savait que l’intervention du prêtre ne servirait de rien en cette occasion. L’honneur et le respect d’eux-mêmes pourraient seuls toucher ces deux hommes et les empêcher de s’abandonner à des excès de langage ou à des voies de fait regrettables. Il se tint debout, les mains jointes, priant en attendant l’occasion favorable de leur rappeler la septième béatitude : Beati pacifici.

Bigot sentait dans quelle position difficile la marquise l’avait mis, en écrivant au gouverneur au lieu de lui écrire à lui-même. Pourquoi a-t-elle fait cela ? se demandait-il avec colère… Me soupçonne-t-elle donc ?

Il ne pouvait pas en venir à une autre conclusion ; elle le soupçonnait. Elle ne voulait pas s’adresser à