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le chien d’or

jamais ! oui, pour jamais ! Mais pourquoi me désolerais-je d’un acte que vous accomplissez vous-même ?

Oui, d’un acte que vous accomplissez vous-même, et non pas moi ! répéta-t-elle, comme si elle pouvait rendre vrai ce sophisme en le réaffirmant. Elle voulait oublier son crime ; elle ne songeait pas que c’est l’intention qui rend coupable, et que devant Dieu le péché existe lors même que l’acte n’est pas accompli.

Elle essayait de s’étourdir par les subtilités du raisonnement, mais elle savait bien mieux que la malheureuse qu’elle poussait au crime avec de l’or, combien grande était la faute qu’elle méditait. Hélas ! la jalousie l’aveuglait, et son ambition n’avait pas de frein.

Une chose encore l’inquiétait. Qu’allait penser l’Intendant ? Qu’allait-il dire s’il la soupçonnait du meurtre ? Elle redoutait réellement l’investigation. Cependant, elle comptait sur le pouvoir de ses charmes. Après tout, elle pouvait risquer puisque lui-même, par sa parole un peu téméraire, s’était fait son complice.

VIII.

Si en ce moment elle pensa à Le Gardeur, ce ne fut que pour étouffer impitoyablement le dernier cri de l’amour. À son souvenir, elle se révoltait comme se cambre une cavale sur le bord d’un précipice.

Elle se leva subitement et dit à la Corriveau de se retirer, de crainte qu’elle ne changeât d’idée. Il se faisait encore un combat dans son cœur.

La Corriveau se mit à rire de cette dernière lutte d’une conscience presque morte, et lui souhaita le bonsoir. II était deux heures après minuit, et elle allait demander à Fanchon de la conduire chez une vieille femme de sa connaissance qui lui donnerait un lit avec la bénédiction du diable.

Angélique, lasse et troublée, lui dit qu’elle lui