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LE CHIEN D’OR

— Pierre ! reprit Amélie, voulez-vous accepter ma vie en expiation du crime de Le Gardeur ? Voulez-vous pardonner à mon malheureux et aveugle frère ?

— Pauvre enfant ! il est pardonné depuis longtemps ! depuis longtemps !… Il ne savait pas ce qu’il faisait… Il a été l’instrument des ennemis de mon père !… Je lui ai pardonné sa faute, et pour l’amour de vous, en ce moment, je lui rends mon amitié !…

— Mon noble Pierre ! s’écria la mourante novice, merci ! merci ! Et se penchant en avant, elle mit ses doigts de marbre sur la grille noire, et comme des rayons fauves, ils passèrent dans les vides que formaient les barreaux.

Pierre les couvrit de baisers ardents.

Il croyait qu’ils allaient se réchauffer sous ses lèvres de feu : hélas ! ils se refroidissaient de plus en plus.

Il regarda. Amélie, la tête légèrement inclinée, souriait doucement. Puis élevant vers le ciel ses yeux brillants d’une ineffable douceur : Mon doux Jésus ! dit-elle, il ne me reste plus qu’à mourir. Acceptez ma vie en expiation du crime de Le Gardeur… Puissè-je le revoir au Ciel… avec Pierre !… avec tous ceux qui me sont chers… Avec ma mère et ma bonne tante de Tilly, ma seconde mère… Dites-lui, ma tante, que je l’attendrai au Ciel… avec vous tous, mes sœurs… Marie ! Reine du Ciel ! assistez-moi dans ce moment suprême… Aidez-moi à quitter cette terre de larmes et à me présenter devant Votre Divin Fils, ma suprême espérance ! Jésus ! Marie ! Joseph ! Mon Dieu ! Je remets mon âme entre vos mains…

— Amélie ! s’écria Pierre, Amélie ! ne meurs pas maintenant ! Dieu va se laisser attendrir… Amélie !

Elle souriait toujours ; le sourire était buriné sur sa lèvre froide : le sourire de l’innocence dans la vie, le sourire de l’innocence dans la mort !

Elle souriait, mais ne l’entendait plus !