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le chien d’or

sur les genoux, le tricot à la main, regardait de temps en temps, et tour à tour, les gens qui passaient dans la rue Buade, les mailles de son tricot et les préceptes de son grand prêtre vénéré.

De temps en temps aussi, en vraie calviniste qu’elle était, elle déposait ses lunettes sur un passage difficile, comme le libre arbitre et la nécessité de la grâce, puis les yeux fermés, elle s’imaginait voir clair dans ces mystères.

III.

Le retour de Pierre Philibert avait rempli de joie le cœur de la nonne dame Rochelle, et maintenant, la nouvelle de son prochain mariage avec Amélie de Repentigny mettait le comble à sa félicité. Elle était radieuse, la bonne vieille, dans son sévère vêtement noir, et la gaieté faisait irruption à travers ses airs sombres de puritaine. C’est qu’elle estimait fort mademoiselle Amélie et qu’en présence de ses hautes vertus, elle sentait tomber ses préjugés. Elle la comparait presque à la grande Marie, la sainte des Cévennes.

Le mariage promettait d’être une grande affaire, et les fêtes de la noce seraient dignes de la maison de Repentigny et de la fortune de Philibert.

Le bourgeois ouvrait ses coffres et versait l’or à pleines mains ; il ouvrait son cœur et se répandait en actions de grâces !

Son âme était ensoleillée comme la nature, calme comme les Champs déserts, limpide comme les eaux. L’orage grondait peut-être, mais loin, sous l’horizon ; il ne le voyait point, ne l’entendait point.

Le but de sa vie allait être rempli : son fils allait faire un brillant mariage, après avoir conquis les lauriers du champ de bataille, et la couronne de la gloire. Et lui, le vieillard fortuné, il n’aurait plus bientôt qu’à s’écrier, comme cet autre vieillard heureux de la bible : Nunc dimittis, servum tuum, Domine, in pace  !