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le chien d’or

Amélie s’approcha de l’autel et s’agenouilla. Angélique dût faire la même chose.

Amélie demandait la force et la sagesse. Après un moment, elle regarda Angélique en face, comme pour scruter le fond de son âme, et Angélique frémit ; car elle eut peur de voir évoquer le spectre de Beaumanoir. Mais elle retrouva son assurance quand elle comprit qu’il s’agissait de Le Gardeur.

— Au nom de Dieu qui est ici présent, Angélique ! dis-moi ce que tu as fait de mon frère ! supplia Amélie. Il se perd… il est perdu !

— S’il se perd, ce n’est pas ma faute assurément ; mais je crois que tu t’exagères ses fautes. Il n’est pas dans un état si désespéré…

— Ah ! il est bien dévoyé, et ceux-là seuls qui l’ont égaré peuvent le remettre dans le bon chemin !

Angélique comprit l’allusion. Cependant Amélie pensait à l’Intendant aussi. Elle répliqua :

— Le Gardeur n’est pas si facile à jeter hors la bonne voie. Il est fort et n’aime pas à se laisser conduire. Il préfère mener les autres. Je le connais !

Au reste, continua-t-elle, des pécheresses comme nous ne doivent pas exiger que les hommes soient des anges. Je m’ennuierais avec les saints : j’aime, mieux les hommes.

— Tu devrais avoir honte, Angélique, de parler ainsi devant l’autel, dans la maison du Seigneur !… Ah ! tu m’as ravi mon frère, rends-le moi, je t’en conjure !

Et elle joignait les mains et la regardait d’une façon suppliante en disant cela.

— Je t’ai ravi ton frère, Amélie ? Ce n’est pas vrai ! Pardonne-moi si je parle ainsi… Je ne l’ai pas plus ravi qu’Héloïse de Lotbinière et Cécile Tourangeau. Veux-tu savoir la vérité ? Le Gardeur m’a aimée et je n’ai pas eu le courage de le repousser. Plus que cela, j’avoue que j’ai répondu à sa flamme. Je te l’ai dit, au couvent, tu t’en rappelles ? Je l’ai aimé et je l’aime encore ! j’en prends à témoin la madone qui nous regarde !