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le chien d’or

IV.

Angélique, quand elle revint à elle, crut revenir à la vie.

Elle ouvrit des yeux hagards et chercha à reconnaître l’endroit où elle se trouvait. Bientôt, ses idées commencèrent à se débrouiller et elle se souvint de la Corriveau.

Elle regarda partout et ne la vit point.

Alors, la pensée qu’elle était en la puissance de cette femme terrible, la frappa comme un coup de foudre. Alors, le souvenir du crime qu’elle avait commis l’épouvanta. Sa rivale était morte… Mais à son tour elle mourrait, et d’une mort ignominieuse, si elle était trahie… Et son secret était connu de la plus vile de toutes les créatures !

Un instant, elle fut en proie à toutes les horreurs du désespoir. Ce n’étaient point les remords qui la tourmentaient ; elle était trop vaine, trop superficielle, pour réfléchir profondément sur le mal qu’elle avait fait. Ses sensations passaient comme une flamme légère sur son cœur et ne le pénétraient point.

Le souvenir de la mort sanglante de Caroline de St. Castin s’effacerait comme un autre souvenir, tout s’oublierait avec le temps. Le tourbillon des plaisirs et l’ivresse des grandeurs lui apporteraient une heureuse et constante distraction, se disait-elle pour se consoler.

Cependant, elle qui n’avait jamais baissé les yeux devant qui que ce soit, elle éprouvait aujourd’hui un irrésistible besoin de se cacher. Elle s’irritait contre cette crainte insupportable qui sourdait toujours, et se traitait de lâche.

Et que ferait Bigot s’il la soupçonnait ?… Et il la soupçonnerait probablement. Elle avait tant insisté pour avoir des lettres de cachet ! Elle ne le comprenait point parfaitement, cet homme-là, et il pouvait être plus méchant qu’elle encore. S’il allait venger sa protégée ?… Si l’amour dont il paraissait