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le chien d’or

IX.

Elle se reposa quelques instants, défendit à sa vieille camarade de la questionner, puis sortit de nouveau pour se rendre chez mademoiselle Des Meloises.

On ne voyait point à dix pas dans les rues, et personne ne la remarqua.

Angélique était debout. Elle ne s’était pas mise au lit cette nuit-là. Une fièvre brûlante l’avait agitée sans cesse, la fièvre du mal, de la peur, de l’inconnu menaçant. De sa fenêtre, les yeux souvent fixés sur la chaîne sombre des montagnes qui dominaient le château, elle avait suivi les péripéties du drame sanglant.

Maintenant l’empoisonneuse devait arriver !… Maintenant la confiante victime devait s’être livrée !… La messagère de la mort réussirait-elle ?… Et quel serait le résultat de ce crime ?… Ne s’en repentirait-elle point ?… Resterait-il ignoré ?… Bigot oublierait-il la morte ?… Le sang innocent ne crierait-il pas vengeance ?…

Une foule de pensées terribles ne cessèrent de la torturer…

Elle ouït le bruit d’un pas.

— C’est elle ! s’écria-t-elle, et une flamme lui monta au visage, puis aussitôt elle pâlit affreusement. Elle courut ouvrir.

La Corriveau entra sans dire une parole. Les yeux des deux femmes s’étaient parlé, s’étaient compris.

Angélique attira l’empoisonneuse dans sa chambre, la poussa vers une chaise, lui saisit les épaules de ses mains frémissantes, et la regardant avec anxiété ;

— Est-ce fait ? dit-elle, est-ce fini ?…

La Corriveau eut un sourire méchant…

— Avez-vous réussi ? Est-elle morte ? répéta-t-elle.

— Oui, répondit la Corriveau, c’est fait, et bien fait !… Mais qu’est-ce que cela signifie ? ajouta-t-elle, en se dressant en face de la belle jeune fille, on