Page:Kirby - Le chien d'or, tome II, trad LeMay, 1884.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
le chien d’or

jours aux Trois-Rivières, et en son absence, Beaumanoir serait probablement visité.

Caroline frissonnait en parcourant cette lettre. Après la rougeur de la honte, la pâleur de la crainte se peignit sur sa belle figure.

— Que faire ? Ô mon Dieu ! que faire ? exclama-t-elle en se tordant les bras, dans une amère angoisse.

Mère Malheur la regardait avec indifférence, avec curiosité, et ne se sentait nullement émue.

— Mon père, mon père bien-aimé ! continua-t-elle, mon père que j’ai tant offensé, va venir ici, la colère dans l’âme, m’arracher à ma cachette !… Oh ! je mourrai de honte à ses genoux ! Oh ! que les montagnes tombent sur moi et m’ensevelissent avec ma honte ! que faire ? où fuir ? Bigot ! Bigot ! pourquoi m’avez-vous trahie ?…

Mère Malheur, froide, dure, impassible, la regardait toujours.

— Mademoiselle, dit-elle, il n’y a qu’un moyen de vous sauver, c’est de suivre les conseils de l’amie qui vous écrit. Elle vous trouvera, j’en suis sûre, une bonne cachette. Voulez-vous la voir ?

— La voir ? Mais qu’est-elle ? Ne me trompe-t-on pas ? La connaissez-vous ?

Et elle regardait mère Malheur finement, pour voir si elle surprendrait une fausseté dans son air.

— Je crois que tout est vrai, madame, répondit la vieille scélérate. Mais, vous comprenez, je ne suis qu’une pauvre messagère, moi, et je n’affirme point ce que j’ignore. Mais celle qui m’envoie pourra vous dire tout.

— L’Intendant la connaît-il, cette femme ?

— Il me semble qu’il lui a dit de veiller sur vous en son absence. Elle est vieille et c’est une amie. Voulez-vous la voir ?

— Oui ! oui ! c’est bon. Dites-lui de venir… Ah ! j’ai besoin de la voir !… Mais vous aussi vous êtes âgée, et vous avez de l’expérience ; pensez-vous qu’elle va véritablement me sauver ? Le pensez-vous ?