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beaux de l’Amérique du Nord. Aussi plus d’une fois, dans son enthousiaste admiration, il tourna son coursier, et s’arrêta un moment pour le contempler. Québec, c’était sa ville natale, et les dernières menaces de l’ennemi étaient à ses yeux un outrage à sa mère. Impatient d’arriver, il reprit une dernière fois sa course rapide, et jusqu’à ce qu’il eut passé un bouquet d’arbres qui lui remit en mémoire un souvenir de sa jeunesse, cette pensée d’invasion le remplit d’amertume.

Il se rappela qu’un jour, pendant un violent orage, il avait, avec Le Gardeur de Repentigny, son compagnon de classe, cherché un abri sous ces arbres. La foudre tomba sur l’orme qui les recouvrait. Tous deux perdirent connaissance pendant quelques minutes et purent se vanter d’avoir vu la mort de près. Ils ne l’oublièrent jamais.

VI.

À l’aspect de ces arbres une foule de pensées, auxquelles il se plaisait souvent, revinrent vives, et douces à son esprit. Il revit Le Gardeur et le manoir de Tilly et la belle jeune fille qui avait enchanté son enfance. Pour elle, pour mériter son sourire, pour environner son nom de gloire, il avait, pendant toute sa jeunesse, rêvé les exploits les plus brillants. Il se la représentait, maintenant, sous des traits divers et toujours belle, mais il l’aimait surtout comme elle était le jour où il avait sauvé la vie à Le Gardeur, quand dans un élan de reconnaissance, elle l’avait si tendrement embrassé, en lui promettant une prière chaque jour de sa vie.

Philibert s’était délecté dans les romanesques visions qui hantent l’imagination des jeunes gens appelés à de hautes destinées ; visions ensoleillées par le regard d’une femme et par l’amour.

Ce sont les rêves qui mènent le monde, les rêves des cœurs passionnés et des lèvres brûlantes, et non les paroles enchaînées par des règles de fer ; c’est l’amour, non la logique. Le cœur avec ses passions,