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le chien d’or

— Ton triomphe est une honte, Angélique ! et je ne veux plus t’écouter ; tu profanes l’amour. Ta beauté devrait être une source de bénédictions et non de désespoirs. Que la Sainte Vierge prie pour toi, Angélique, tu as besoin de ses prières.

II.

Amélie se leva tout à coup.

— Allons, ne te fâche pas, ne t’en vas pas, Amélie, murmura Angélique, je vais expier mes triomphes par le récit de mes défaites, et surtout par le récit de la plus humiliante de toutes — une défaite que tu vas apprendre avec beaucoup de plaisir.

— Moi, Angélique ? Mais qu’ai-je à voir à tes succès comme à tes déceptions ! Non, je ne veux rien entendre.

Angélique la retint par son châle.

— Tu m’écouteras bien quand je te dirai que, la nuit dernière, j’ai vu au château, un de tes vieux et nobles amis, le nouvel aide-de-camp du gouverneur, le colonel Philibert. Il me semble, Amélie, que je t’ai entendu parler de Philibert, alors que nous étions au couvent.

Amélie comprit que l’habile magicienne l’enveloppait dans ses toiles. Elle resta là immobile de surprise, l’œil vague, et rougissante ; elle faisait un effort désespéré pour cacher sa confusion. Mais sa rusée compagne l’avait prise dans ses filets aussi vite que l’oiseleur prend un oiseau.

— Oui, continua Angélique, j’ai essuyé une double défaite cette nuit.

— Vraiment ? comment cela ? dis donc.

Amélie, si calme d’ordinaire, se sentait poussée tout à coup par une ardente curiosité. Angélique le remarqua bien, et se plut à la laisser quelques moments dans l’anxiété. Enfin elle dit :

— Mon premier échec est dû à un gentilhomme suédois, philosophe, et grand ami du gouverneur. Hélas ! il eut mieux valu essayer d’attendrir un glaçon ! Il ne savait parler que fleurs des champs.