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le chien d’or

censoirs célestes, sous l’éclat scintillant des lampes et sous les rayonnements des étoiles de Dieu, Angélique murmura sinistrement :

— Bigot l’aime trop cette face blême ! Il ne m’épousera pas, tant qu’elle sera à Beaumanoir… tant qu’elle sera quelque part !…

Et cette pensée ne la quittait plus. Elle s’appuya plus amoureusement sur le bras de Bigot. Ils suivirent en silence le sentier éclatant, de blancheur qui aboutissait à la terrasse. Les replis soyeux de sa longue robe balayaient les roses et les lis des bordures et son pied léger semblait glisser sur les coquillages blancs comme des flocons de neige.

Elle devint le jouet de son imagination malade. Plus d’une fois elle crut apercevoir, de l’autre côté de Bigot, presqu’appuyée sur son cœur, l’ombre plaintive de cette femme de Beaumanoir.

Le fantôme s’évanouissait, puis apparaissait de nouveau. La dernière fois, il prit la figure et le regard de Notre-Dame de Sainte Foi, s’élevant au ciel triomphante après d’indicibles souffrances, et pourtant, c’était encore le regard et la figure de la captive du château.

XIV.

Les deux promeneurs sortirent de l’allée sombre et s’avancèrent dans une avenue magnifiquement illuminée, au milieu de laquelle une fontaine faisait pleuvoir ses ondes en gerbes de diamants. La vision se fondit dans la lumière.

Angélique s’assit sur un siège ingénieusement sculpté, au pied d’un sorbier. Elle était très fatiguée et très vexée.

Un serviteur en pompeuse livrée vint apporter un message à l’Intendant. C’était une invitation à danser.

— Je n’irai pas, Angélique ; je veux rester avec vous, dit-il, à sa compagne.

Mais elle lui répondit qu’elle ne détesterait pas de se reposer un peu ; que le jardin était bien intéressant